mercredi 18 mars 2009

Contrôle de gestion et Protocole de Kyoto

Dans le texte précédent nous vous avons présenté le tableau de bord équilibré (BSC) comme outil de prévention du risque environnemental. Sous une autre perspective, le BSC est un contrôle de gestion efficace qui favorise l’atteinte d’objectifs environnementaux. En effet, la comptabilité de management environnementale fourni des outils qui aident les entreprises à atteindre leurs objectifs environnementaux (Bennet et James, 2000). Le contrôle de gestion fait parti de ces outils.
Traditionnellement, le contrôle de gestion a pour objectif d’augmenter la probabilité que les individus et groupes agissent de façon à atteindre les objectifs de l’organisation (Flamholtz et al.1985). Lorsque des éléments environnementaux interviennent, les contrôles de gestion doivent être adaptés afin d’intégrer ces considérations environnementales. La plupart des auteurs suggèrent d’adapter les outils de contrôle établis afin d’y intégrer des considérations environnementales plutôt que d’implanter de nouveaux contrôles. Il est donc relativement simple pour une entreprise ciblée par le Protocole, d’intégrer l’aspect de la réduction des émissions de GES dans ses contrôles de gestion en place. Le tableau de bord qui vous a été présenté précédemment est un bon exemple, mais le budget et les systèmes de rémunération en sont aussi.
Il est toutefois possible pour une organisation voulant faire une meilleure mesure et un meilleur suivi de l’atteinte de ses objectifs, de faire l’implantation d’un outil de gestion plus complexe. Je fais ici référence à l’éco-contrôle. L’éco-contrôle est l'application du contrôle à la gestion financière et environnementale, permettant d’intégrer systématiquement des informations de gestion et de comptabilité financière conventionnelle avec des informations de la comptabilité écologique interne et externe (Schaltegger et Burritt 2000). Concrètement, des préoccupations environnementales sont considérés dans trois types de contrôle: les systèmes de mesure de la performance, le budget et les mesures incitatives et ce à trois niveaux : financier, opérationnel et environnemental. Henri et Journeault (2007) ont examinés les effets de l’intégration de considérations environnementale sur la performance environnementale des entreprises manufacturières pour ces trois types de contrôle. L’analyse a démontrée que le fait de considérer les aspects environnementaux augmente la performance environnementale de l’entreprise et de ce fait, la performance financière de celle-ci. Plusieurs auteurs partagent cette opinion, notamment Schaltegger et Burritt (2000), Wilmshurst et Frost (2001) qui ajoutent que l’éco-contrôle permet aux entreprises de mieux gérer leur éco-efficience et de l’améliorer.
Pour toutes ces raison, les entreprises ciblées par le Protocole de Kyoto qui mettront en place des mesures et des incitatifs pour assurer la cohérence entre les actions prises dans l’organisation et l’objectif de réduction des GES en retireront de nombreux avantages sur le plan environnemental et économique.
Suite à la lecture de ce message et de vos connaissances personnelles, pensez-vous que les gestionnaires devraient intégrer les considérations environnementales à tous les niveaux comme le fait l’éco-contrôle ou le simple fait d’intégrer ces considérations aux outils en place est suffisant pour favoriser les chances d’atteindre les objectifs du protocole de Kyoto?
Cette partie du blogue s’avérait plus théorique. Nous continuerons sur cette tangente pour la prochaine partie, mais nous ajouterons toutefois des exemples plus pratiques pour le bénéfice de votre compréhension.

La gestion des risques liés au protocole de Kyoto dans les entreprises canadiennes

Depuis les scandales financiers du début des années 2000, plus d’importance a été accordée à la gestion des risques pour améliorer le contrôle interne des organisations avec l’adoption de la loi Sarbanes-Oxley (SOX). En effet, de nombreux événements, provenant de l’interne ou de l’externe, surviennent dans les entreprises et ceux-ci peuvent avoir un impact positif, négatif ou les deux. Si l’impact est négatif, il s’agit d’un risque pour l’entreprise et il peut nuire à l’atteinte de ses objectifs. Par contre, un impact positif peut constituer une opportunité. Ainsi, les risques peuvent permettre à l’entreprise de saisir des opportunités qui leur permettront de créer des avantages concurrentiels et de satisfaire davantage la clientèle si les gestionnaires ont la capacité de gérer ces risques dans les limites de leur appétence pour le risque. Une gestion du risque efficace permet l’atteinte des objectifs organisationnels et la réalisation de la stratégie. SOX impose des règles sur la comptabilité et la transparence financière afin de contrôler les risques comptables de toutes entreprises cotées aux bourses américaines. Toutefois, il existe d’autres risques au sein des organisations tels les risques environnementaux.
Selon Epstein (Making Sustainability Work, 2008), les risques environnementaux sont opérationnels et font références à des processus d'affaires inefficaces ou inefficients pour acquérir, financer, transformer et commercialiser des biens et services et des menaces de perte d’actifs et de réputation pour les entreprises. Ces risques environnementaux sont nombreux et peuvent être de diverses natures. Par exemple, une non-conformité importante au protocole de Kyoto peut entraîner des amendes, pénalités, poursuites, sanctions sur les marchés financiers et impacts financiers néfastes sur la continuité des affaires, et la réputation et image de l’entreprise peuvent en être profondément affectées.
Une gestion des risques environnementaux permet une meilleure allocation des ressources et une amélioration des décisions sur les processus, les produits et l'investissement en capital afin de satisfaire les parties prenantes et améliorer la rentabilité à long terme de l’entreprise.
Dans les entreprises, plusieurs risques peuvent être évités ou leurs impacts réduits par la prévention et des systèmes de contrôle efficaces. Quelques outils ont été adaptés afin de quantifier et de gérer leurs risques environnementaux. Les plus connus sont le tableau de bord équilibré (BSC) et l’analyse multicritères. Le BSC traditionnel met l’accent sur les objectifs stratégiques de l’entreprise et mesure leur atteinte, mais plusieurs chercheurs tentent d’étendre son utilisation à l’ERM. Selon Olson et Wu (Enterprise Risk Management, 2008), le BSC en gestion des risques (ERM BSC) permet de coordonner l’attention dans les organisations sur les aspects des opérations que les gestionnaires ont identifiés comme critique à la performance organisationnelle. Techniquement, le BSC garde les quatre mêmes perspectives, mais dans les objectifs, les gestionnaires doivent intégrer la gestion des risques (exemple : dans la perspective satisfaction du client, un objectif pourrait être de réduire la perte de clientèle et la mesure serait le nombre de clients conservés). Toutefois, Nagumo et Donlon (Integrating the Balanced Scorecard and COSO ERM Frameworks, 2006) mentionnent quelques contraintes à cet outil pour gérer les risques; il est difficile d’intégrer dans le BSC des événements qui arrivent très rarement puisque celui-ci aborde la gestion stratégique sur des cycles de trois à cinq ans. Également, la nature du risque est telle que l'un des facteurs de risque peut déclencher de nombreux autres événements, et, à son tour, peut devenir un facteur déterminant pour un nouveau risque. De plus, les liens de ces risques ne se limitent pas aux liens verticaux des quatre perspectives du BSC, et n’est pas limité à un seul thème stratégique. Ainsi, selon eux, le BSC deviendrait trop complexe avec cette surcharge d’information, mais il est nécessaire de trouver un moyen d’intégrer ERM dans le BSC. Un autre modèle utilisé pour gérer les risques environnementaux est l’analyse multicritères. Cette méthode n’est pas parfaite, mais offre un moyen de démontrer aux décideurs l'importance relative positive et négative des alternatives et donne un moyen de quantifier les préférences des décideurs. Elle tient compte de plusieurs critères qualitatifs et quantitatifs pour choisir une option, tels que le service à la clientèle, la fiabilité, l’intégration, le coût, la sécurité et le degré de service.
Ainsi, de nouveaux risques peuvent surgir au fil du temps, telles une prise de conscience environnementale par la société et l’entrée en vigueur de nouvelles régulations comme le Protocole de Kyoto, et c’est pourquoi les entreprises doivent exercer une bonne gestion des risques environnementaux pour leur faire face.

Gouvernance et Protocole de Kyoto

Lorsqu’il est question d’argent et de respect de la stratégie d’entreprise, la gouvernance a un rôle très important. Dans le but de limiter les fraudes financières et de s’assurer que les dirigeants agissent dans l’intérêt des actionnaires et des autres parties prenantes de l’organisation, il est primordial qu’il y ait des personnes ayant la fonction de veiller à ce qu’il en soit ainsi. Ceci fait référence à un conseil d’administration.
Un conseil d’administration doit être formé majoritairement de personnes indépendantes à l’entreprise. Ces personnes doivent avoir des connaissances et des compétences qui se complètent en ce qui à trait au secteur d’activité dans lequel l’entreprise évolue. Le conseil d’administration a le devoir de diligence, de loyauté et de conformité. Les responsabilités du conseil d’administration se traduisent, entre autres, par nommer, surveiller et rémunérer le chef de la direction de l’entreprise, surveiller les nouveaux risques, assurer la conformité règlementaire, approuver le plan et les décisions stratégiques et représenter les actionnaires.
À la suite des scandales financiers tel qu’Enron, un profond changement a affecté le concept de gouvernance d’entreprise; il y a eu naissance du concept de la responsabilité sociale de l’entreprise. Le conseil d’administration doit aussi protéger l’intérêt de la société en générale et non plus que les actionnaires. Les entreprises doivent donc intégrer dans leur gestion les retombées économiques, sociales et environnementales de ses activités. La comptabilité environnementale prend donc toute son importance.
Dans le contexte de la comptabilité environnementale, certains dirigeants d’entreprise pourraient ne pas bien comprendre l’intérêt de faire en sorte que les opérations de l’organisation respectent l’environnement et c’est le rôle du conseil d’administration de s’assurer qu’ils agissent sur le plan environnemental. Ces dirigeants pourraient ne pas considérer la réduction de la pollution par l’entreprise comme étant un bienfait pour celle-ci. Il faut bien leur faire comprendre les coûts qu’engendre une trop grande pollution par la venue des pénalités et amendes imposées par le gouvernement, ainsi que sur l’image de l’entreprise. Ces dirigeants doivent aussi comprendre que les bénéfices peuvent procurer une réduction de la pollution. En effet, en polluant moins, l’entreprise voit, entre autres, ses coûts de production diminuer par la conservation de l’énergie et par la réutilisation des matières premières par exemple.
Le conseil d’administration intervient pour faire respecter les lignes de conduite de l’organisation et ainsi faire comprendre aux dirigeants l’importance d’agir dans l’intérêt des actionnaires au lieu de leurs propres intérêts. Les intérêts divergents des deux parties s’expliquent par la théorie de l’agence. Celle-ci se traduit par la présence d’un certain opportunisme de la part des dirigeants, de l’asymétrie organisationnelle et de coûts de délégation. Les actionnaires délèguent leur pouvoir de gérance à des gestionnaires en échange de salaires et de bonus. Ces gestionnaires ont souvent tendance à investir dans des projets moins risqués dans le but de se voir attribuer un bonus en fin d’exercice, ce qui entraîne un rendement moins élevé pour les actionnaires. Le conseil d’administration joue un rôle de supervision et contrôle les agissements des dirigeants dans le but d’enrayer ces comportements dysfonctionnels.
Le conseil d’administration intervient aussi sur le plan de la communication de l’information aux actionnaires et aux parties prenantes. Il veille à ce qu’il y ait transparence dans les relations directes et indirectes de l’entreprise, soit entre les dirigeants, les administrateurs, les actionnaires et les autres parties prenantes. Le conseil d’administration veille à ce que l’information qui est diffusée soit représentative de ce qui se passe réellement dans l’organisation. Il s’assure que l’information transmise aux parties prenantes ne soit pas soumise à des manipulations comptables dans le cadre de l’intérêt spécifique des dirigeants en place. Les diverses autres manipulations possibles sur le plan de l’information non financière sont aussi surveillées.
Le concept de la transparence régit par le conseil d’administration assure une transmission d’informations réelles concernant les engagements concrets de l’entreprise à respecter l’environnement et ainsi, à réduire la pollution. Les parties prenantes peuvent avoir une assurance de la véracité des résultats du plan « vert » qui leur sont divulgué.
Suite à nos lectures, nous nous sommes posé diverses questions vis-à-vis le rôle du conseil d’administration par rapport à la gestion environnementale. Par exemple, son rôle est-il bien défini concernant les aspirations environnementales de l’entreprise? Ce rôle est-il également bien véhiculé et communiqué? De plus, nous croyons que les croyances personnelles des membres du conseil d’administration ainsi que leur conscientisation environnementale ont un impact sur ce rôle. Finalement, est-ce que le lien entre la performance économique et environnementale est clair au sein du conseil d’administration? Qu’en pensez-vous?